Hillary Clinton est partie en guerre dans les premières semaines de sa campagne présidentielle contre Wall Street mais sa candidature ne déplaît pas nécessairement aux grandes banques, où l'ex-secrétaire d'Etat est considérée comme plutôt pragmatique.
"Quand il faudra gouverner, elle sera pragmatique (car) elle comprend que ce n'est pas parce qu'il y a un mouton noir que tout le troupeau est malade", explique à l'AFP un grand banquier sous le couvert de l'anonymat.
L'ex-première dame connaît personnellement les grands patrons de banques de Wall Street qu'elle a fréquentés lors de son mandat de sénatrice de New York, une ville dont la finance est le premier employeur privé, de 2001 à 2009.
Elle a tissé des liens étroits avec certains d'entre eux comme Lloyd Blankfein, le PDG de Goldman Sachs, qui fait partie des donateurs de la Fondation Bill, Hillary et Chelsea Clinton.
M. Blankfein est par ailleurs l'un des principaux investisseurs du fonds d'investissement Eaglevale Partners LP, fondé par le gendre d'Hillary Clinton, Marc Mezvinsky, un ancien "Goldman Boy".
Sollicité par l'AFP, il a renvoyé à une déclaration faite à la chaîne CNN en février."J'ai toujours soutenu Hillary dans toutes ses aventures gouvernementales passées", avait-il déclaré, s'en disant "fan".
- Jusqu'à 300.000 dollars le discours -
La candidate a aussi donné des discours rémunérés entre 200.000 et 300.000 dollars de l'heure lors d'événements organisés par Wall Street. Jamie Dimon (patron de JPMorgan Chase) et Greg Fleming (numéro deux de Morgan Stanley et présenté comme le futur grand patron) passent aussi pour proches de la candidate.
"Je suis un partisan de Hillary, je veux qu'elle soit présidente parce qu'elle est un grand leader", dit à l'AFP Tom Nides, 53 ans, vice-président chez Morgan Stanley. Ancien adjoint de Hillary Clinton au département d'Etat, il est, de l'avis de plusieurs sources bancaires, le lien entre la candidate, qu'il voit régulièrement, et Wall Street.
Dans le climat actuel de suspicion vis-à-vis de la finance, tenue par le grand public responsable de la crise de 2008, peu sont les grands banquiers qui se risquent à afficher publiquement leur soutien.
Hormis des dons et soirées de levées de fonds, les apparitions publiques aux côtés de la candidate sont rares et le resteront sans doute au cours de la campagne.
"Nous avons compris qu'un soutien public serait plus un handicap qu'un avantage", confirme un banquier.
"Tout se passera en catimini", avance l'expert de Wall Street Richard Bove chez Rafferty Capital Markets pour qui "tout candidat associé à Wall Street ne serait pas élu".
Hillary Clinton tient aussi à se transformer en "championne" des classes moyennes. Elle dénonce pêle-mêle les inégalités salariales et l'optimisation fiscale parfois avec les mêmes mots qu'Elizabeth Warren, la figure de proue de l'aile gauche du parti démocrate. Elle n'hésite pas ainsi à cibler désormais les traders et la spéculation comme responsables de la crise de 2008.
- "Populisme" -
Tom Nides assure qu'Hillary Clinton présidente ne cédera pas sur les pans les plus durs de la régulation financière comme la règle Volcker, qui limite la spéculation pour compte propre, très critiquée par la finance.
"Ceux à Wall Street qui espèrent que si elle est élue elle va se débarrasser de la régulation bancaire en place vont être déçus", dit-il.
"Wall Street comprend que son populisme actuel vise à sécuriser sa victoire aux primaires du parti démocrate", assure à l'AFP l'ex-banquier William Cohan, reconverti journaliste-écrivain.
L'appui de Wall Street se manifestera par les dons, déterminants dans une élection qui s'annonce comme l'une des plus chères même si le monde de la finance donne encore plus d'argent aux candidats républicains, notamment Jeff Bush, jugé "centriste".
"Traditionnellement le PDG dit en interne qui est son candidat. On encourage ensuite les salariés à donner de l'argent", explique un banquier.
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