Les Togolais ont voté samedi pour leur président lors d'un scrutin à un tour qui n'a pas mobilisé les foules et dont le favori est le sortant Faure Gnassingbé, héritier d'une famille régnant sans partage depuis 48 ans, face à une opposition divisée.
Au total, 3.509.258 électeurs étaient appelés aux urnes dans 8.994 bureaux de vote. Mais la Concertation nationale de la société civile (CNSC), ONG ayant déployé le plus gros contingent d'observateurs électoraux dans le pays, a constaté une mobilisation "très faible" des électeurs à la mi-journée samedi.
Les bureaux ont fermé peu après 16H00 (locales et GMT), comme prévu, à Lomé, ont constaté des journalistes de l'AFP, et le décompte des votants a pu commencer.
La commission électorale a six jours pour communiquer les résultats officiels. Mais selon M. Gnassingbé, "quelques tendances" devraient être rendues publiques "dès cette nuit".
Le Togo, petit pays francophone de sept millions d'habitants, choisira-t-il l'alternance ou reconduira-t-il le président sortant, porté au pouvoir par l'armée à la mort de son père en 2005, le général Gnassingbé Eyadema qui dirigea le pays d'une main de fer pendant 38 ans?
Jean-Pierre Fabre, le principal adversaire de M. Gnassingbé, a voté dans le quartier populaire de Kodjoviakopé, à Lomé. Les traits tirés, il a affirmé avoir passé une grande partie de la nuit à négocier avec le pouvoir l'abandon du logiciel de compilation informatique des résultats "Succes", qui faisait l'objet de craintes de l'opposition depuis plusieurs semaines.
"Il y a toujours des problèmes au Togo quand il y a des élections. Ce n'est pas parce que le système +Succes+ a été enterré qu'il n'y aura pas de problèmes () mais les risques de fraude sont réduits" a-t-il déclaré à la presse. Une première au Togo, où l'opposition a contesté les résultats de tous les récents scrutins.
Si la présidentielle de 2010 a été jugée acceptable par la communauté internationale, celle de 2005 avait été entachée de fraudes massives et "remportée" par M. Gnassingbé, provoquant des violences qui avaient fait 400 à 500 morts et des milliers de blessés, selon l'ONU.
M. Fabre, qui avait obtenu 33,93% des suffrages lors de la dernière présidentielle, contre 60,88% pour M. Gnassingbé, est soutenu cette année par une coalition de plusieurs partis d'opposition, le CAP 2015 (Combat pour l'alternance politique).
Mais trois autres candidats d'opposition se présentaient, laissant craindre une dispersion des voix, et le deuxième parti de l'opposition, le Comité d'action pour le renouveau (CAR), a prôné le boycott du scrutin, divisant encore plus les anti-Gnassingbé.
M. Gnassingbé, vêtu d'un pantalon gris et d'une veste bleue, et entouré d'une nuée de gardes du corps, a déposé son bulletin dans l'urne tôt samedi matin à l'école publique Général Eyadéma - tout un symbole - dans un des seuls quartiers pro-régime de la capitale, historiquement acquise à l'opposition.
"Que le choix (des Togolais) se fasse dans la paix, c'est tout ce que nous souhaitons", a-t-il déclaré, après avoir salué "une campagne sans violence et apaisée".
- 'Le Togo, ce n'est pas un royaume' -
La campagne électorale n'a cependant guère passionné les Togolais.
Nombre d'entre eux prédisent le maintien de ce qu'ils appellent "la dictature" depuis que la majorité présidentielle a rejeté, l'an dernier, des réformes électorales pourtant promises par M. Gnassingbé : passer à deux tours pour la présidentielle et limiter à deux le nombre de mandats présidentiels.
Outre la CNSC, l'Union africaine, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme, ainsi que d'autres associations locales ont déployé des observateurs dans tout le pays.
Dans plusieurs quartiers populaires de Lomé, les électeurs, étranglés par la cherté de la vie et touchés de plein fouet par le chômage, étaient nombreux à souhaiter la victoire de Jean-Pierre Fabre.
"Il faut que ça change, le Togo, ce n'est pas un royaume" a ainsi lâché à l'AFP Honlongnon Komlan, un cuisinier trentenaire au chômage, qui n'a toujours connu "que les Gnassingbé" au pouvoir.
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