Après avoir vainement demandé la clémence pour Serge Atlaoui, condamné à mort à Jakarta pour trafic de drogue, la France a vivement dénoncé jeudi les "dysfonctionnements" de la justice indonésienne, et menace d'une dégradation des relations entre les deux pays.
Dans une lettre adressée jeudi à son homologue indonésien, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius affirme que Serge Atlaoui "n'a pas bénéficié du plein exercice de ses droits", "du fait de graves dysfonctionnements de la justice indonésienne".
Le prévenu a été victime d'un "traitement expéditif", et "condamné à mort par une décision qui comporte des affirmations erronées", assure M. Fabius dans cette lettre à Mme Retno Lestari Priansari Marsudi, dont l'AFP a eu une copie.
La France "demande instamment que l'Indonésie respecte dans cette affaire ses propres règles de droit et les obligations internationales que lui imposent les conventions" qu'elle a adoptées, ajoute M. Fabius.
Au terme de patientes et discrètes démarches pour arracher la clémence des autorités indonésiennes, Paris change nettement de ton, alternant menaces voilées et accusations d'irrégularités judiciaires pour tenter de sauver Serge Atlaoui.
Incarcéré depuis dix ans, ce dernier, un père de quatre enfants âgé de 51 ans, affirme qu'il n'a fait qu'installer des machines industrielles dans ce qu'il croyait être une usine d'acrylique, et qui abritait en réalité une fabrique clandestine d'ecstasy.
Dans sa lettre à la ministre indonésienne, M. Fabius, qui a convoqué mercredi - pour la troisième fois - l'ambassadeur d'Indonésie à Paris, fait valoir que les autorités de ce pays ont annoncé que le recours présenté par le prévenu serait rejeté alors même qu'il était en cours d'examen.
Il ajoute que "la décision de la Cour suprême a été rendue en quelques semaines et sans audition des témoins", ce qui constitue un "traitement expéditif".
Il relève des "affirmations erronées" dans la condamnation à mort, notamment le fait qu'il "est présenté comme étant chimiste alors que tant ses co-condamnés que l'ensemble des témoignages permettent d'établir qu'il est soudeur et travaillait en tant que tel dans l'usine où étaient produits des stupéfiants".
- Conséquences diplomatiques -
Au delà de cet argumentaire en forme de réquisitoire, Paris agit sur le terrain diplomatique.
L'exécution de Serge Atlaoui "serait dommageable pour l'Indonésie, dommageable pour les relations que nous voulons avoir avec elle", a ainsi déclaré mercredi le président François Hollande, rappelant son opposition à la peine de mort, abolie en France en 1981.
"Les leviers dans ce domaine concernent à la fois les relations bilatérales et au niveau européen", selon une source diplomatique française.
"On va probablement parler de cette affaire aujourd'hui au sommet européen de Bruxelles" consacré au drame des migrants, a ajouté cette source.
Le commerce entre la France et l'Indonésie a atteint 3,2 milliards d'euros, en 2013.
"La France est fondée à demander une aide européenne, car le prévenu est aussi un citoyen européen", explique Marc Pierini, ancien diplomate et chercheur à Carnegie Europe (Bruxelles).
"En général, dans ce genre de situation, la solidarité européenne s'exprime essentiellement par une déclaration du Sommet, une demande collective de clémence", a-t-il ajouté.
Le président indonésien Joko Widodo a pour sa part exprimé à plusieurs reprises sa fermeté face au trafic de drogue, qui fait des centaines de morts chaque année dans l'archipel.
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