Les dirigeants européens doivent se prononcer jeudi sur une opération militaire contre les trafiquants de migrants en Libye, responsables de la pire tragédie en Méditerranée, dont des survivants commencent à raconter l'horreur.
Il faut "entreprendre des efforts systématiques pour identifier, capturer et détruire les bateaux avant qu'ils ne soient utilisés par les trafiquants", selon le projet de déclaration du sommet extraordinaire convoqué après un nouveau naufrage dimanche, qui a fait quelque 800 morts.
L'Europe se doit d'apporter une réponse forte, qui aille au delà du renforcement des moyens de surveillance maritime ou d'une meilleure solidarité dans l'accueil des réfugiés.
Les chefs d'Etat et de gouvernement devraient donc lancer les "préparatifs pour une possible opération de sécurité et de défense", autrement dit une opération militaire. Ce serait une première dans la lutte contre l'immigration clandestine.
Les premières consultations montrent "une volonté politique de lancer ce signal fort", a confié à l'AFP une source proche du dossier.
"On ne peut pas être sérieux si on ne prend pas en considération la demande de Matteo Renzi", a affirmé un haut responsable européen. Le chef du gouvernement italien a demandé l'examen de la possibilité de mener des "interventions ciblées" contre les passeurs en Libye, devenu le pays d'embarquement des migrants et des candidats à l'asile en direction de l'Italie et de Malte.
"Personne ne parle d'envoyer des troupes au sol", a assuré une source européenne, tout en soulignant que la question d'un mandat des Nations unies "dépend de l'étendue de la mission". "Ce ne sera pas une guerre, mais des actions ciblées".
- Séquestration -
Mais la "mise en ?uvre prendra du temps", ont averti les diplomates en charge du dossier. "Il va falloir préparer des plans opérationnels, puis mobiliser des moyens militaires", a-t-on expliqué.
Les experts se montrent très sceptiques. Atalante, la mission militaire de l'UE contre la piraterie au large des côtes somaliennes a été lancée en 2008, mais les premières actions contre les bateaux des pirates ont été menées en 2011-2012, a rappelé l'eurodéputé français Arnaud Danjean. "Que peut-on faire pour endiguer ce trafic par la force, la réponse est simple: rien", a assuré à l'AFP l'ex-amiral français Alain Coldefy.
Le plan soumis aux dirigeants européens prévoit aussi de "doubler" de trois à six millions d'euros le budget mensuel alloué à Frontex, l'agence chargée de la surveillances des frontières, pour renforcer les moyens alloués aux missions maritimes Triton en Italie et Poséidon en Grèce, afin de leur permettre d'augmenter leurs opérations de surveillance et de sauvetage.
Le troisième volet traite de l'accueil des migrants. Il propose aux Etats d'accueillir "au moins 5.000 personnes ayant obtenu le statut de réfugiés", dans le cadre d'un projet de réinstallation.
Arrivés mardi en Sicile, les 28 survivants de la catastrophe de dimanche, dont les deux passeurs aussitôt arrêtés, ont commencé à donner quelques détails sur leur traversée.
L'un d'entre eux, Abdirizzak, a raconté avoir échappé à la mort parce qu'il se trouvait dans la partie supérieure du chalutier. "Ceux qui avaient le moins d'argent ont été enfermés à fond de cale. J'étais sur le pont intermédiaire, et ceux qui avaient le plus payé étaient au-dessus".
Des centaines de migrants, y compris des femmes et des enfants, sont restés prisonniers à l'intérieur. Les garde-côtes ont repêché 24 corps.
Le commandant du chalutier, Mohammed Ali Malek, un Tunisien âgé de 27 ans, a été désigné par le Parquet comme le principal responsable de la tragédie. Déjà accusé d'homicides involontaires et d'incitation à l'immigration clandestine, il a été accusé mercredi de "séquestration de personnes".
Le naufrage a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche à quelque 60 milles (110 km) au large des côtes libyennes. Ce drame s'ajoute à d'autres naufrages qui ont fait près de 450 victimes portées disparues la semaine dernière et a suscité la colère du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a accusé l'Europe de "laisser mourir" les migrants.
- 'Cargaisons de la mort'-
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et son homologue auprès de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, ont exigé que les factions rivales en libye se mettent rapidement d'accord pour reconstruire un Etat, première étape pour permettre d'endiguer le flux de migrants.
A Londres, le Premier ministre britannique David Cameron a dit vouloir empêcher les migrants de prendre la mer, afin de "mettre fin à ces cargaisons de la mort".
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