L'ancien président islamiste Mohamed Morsi pourrait écoper de la peine de mort mardi pour "incitation au meurtre" de manifestants, plus de 20 mois après sa destitution par l'ex-chef de l'armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi.
Il s'agit du premier verdict attendu contre le dirigeant islamiste, destitué et arrêté en juillet 2013 par l'armée à la faveur de manifestations monstres réclamant son départ, au terme d'une année tumultueuse au pouvoir.
Dénonçant une justice "instrumentalisée" par les autorités dans leur "lutte contre la légitimité populaire et révolutionnaire, symbolisée" par M. Morsi, la confrérie des Frères musulmans, dont est issu le l'ex-président islamiste, a appelé à manifester sans discontinuer dès mardi.
Même s'il échappe à la peine capitale, M. Morsi, premier civil élu démocratiquement à la tête de l'Egypte, risque la prison à vie, pour "incitation au meurtre" de manifestants de l'opposition en décembre 2012, au moment où il était au pouvoir.
Symboliquement, sa condamnation représenterait un nouveau coup pour l'opposition islamiste, déjà la cible d'une répression sanglante qui a décimé ses rangs.
Car depuis l'éviction de M. Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1.400 manifestants islamistes et emprisonné pas moins de 15.000 autres.
Des centaines ont également été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l'ONU de "sans précédent dans l'Histoire récente" du monde.
-'Procès politiques'-
L'ex-président, jugé au total dans cinq affaires, notamment pour espionnage et évasion de prison durant la révolte de 2011 qui chassa le raïs Hosni Moubarak du pouvoir, pourra faire appel du verdict de mardi.
Pour le politologue Achraf al-Cherif de l'Université américaine du Caire, une condamnation du dirigeant islamiste marquerait "le couronnement" de la répression judiciaire lancée par les autorités contre les islamistes.
"Les procès intentés contre M. Morsi en particulier ne font aucun sens, ce sont des procès politiques", souligne-t-il.
Le régime de M. Sissi, qui jouit d'une popularité indéniable au sein d'une population lassée par quatre années d'instabilité politique, est considéré par les organisations internationales de défense des droits de l'Homme comme bien plus répressif que celui de M. Moubarak.
Le maréchal à la retraite n'a d'ailleurs jamais caché sa volonté d'éliminer les Frères musulmans. La confrérie a été classée "organisation terroriste" par les autorités, qui l'accusent d'être derrière les attentats quasi-quotidiens visant les forces de sécurité.
L'organisation, qui a remporté toutes les élections démocratiques organisées entre 2011 et la chute de M. Morsi, nie avoir recours à la violence. Les attentats sont généralement revendiqués par des groupes jihadistes qui disent agir en représailles à la répression.
Et dans un pays sous la férule de l'armée depuis des décennies, le coup de force de M. Sissi a marqué la fin d'une parenthèse démocratique ouverte avec le soulèvement de 2011.
Aujourd'hui, même les mouvements laïcs et de gauche --fers de lance de la révolte anti-Moubarak qui ont aussi soutenu l'éviction de M. Morsi-- ne sont pas épargnés par la répression.
Mardi, devant un tribunal du Caire, M. Morsi répondra notamment, avec 14 co-accusés dont sept en fuite, de la mort de trois manifestants devant la présidence. Ils sont accusés d'avoir organisé ou participé à la dispersion violente de la manifestation.
La défense souligne le manque de preuves, et rappelle que des pro-Morsi ont aussi été tués dans ces heurts.
S'il est condamné à mort, M. Morsi ne devrait pas être pendu selon les experts.
"Son exécution représenterait une escalade que les autorités ne semblent pas prêtes à entreprendre", explique H. A. Hellyer, de la Brookings Institution, un centre de réflexion basé à Washington. "La condamnation d'un président élu, renversé par une intervention militaire --même populaire--, sera mal perçue à l'international", ajoute-t-il.
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