La saison des festivals, qui débute vendredi avec le Printemps de Bourges, risque d'être maussade.
Face à la baisse - 11 milliards sur trois ans - des dotations de l'Etat, les collectivités locales réduisent leurs subventions, contraignant beaucoup de manifestations à réduire la voilure, voire à mettre la clé sous la porte.
En mars, la publication d'une "cartocrise" élaborée par une médiatrice culturelle dans le Nord, Emeline Jersol, avait fait grand bruit: elle pointait la suppression ou l'annulation de 143 festivals et structures (associations, théâtres) dans tous les domaines depuis mars 2014: danse, théâtre, arts plastiques, cinéma etc.
Ce chiffre atteint désormais 179, dont une moitié de festivals et "je reçois des mails (signalant des annulations) tous les jours", dit-elle.
"Il y a de multiples causes: baisse de subventions, alternance politique, problèmes de renouvellement ou de succession à la tête des festivals", relève Bénédicte Dumeige, directrice de France Festivals, qui regroupe 80 festivals, surtout de musique classique et jazz.
"Chaque année, des festivals naissent et meurent. Il n'empêche qu'on est soucieux. On constate des baisses de subventions de 5, 10, 15, 20%, qui se traduisent par une réduction de la durée des festivals, du nombre de spectacles, ou même des formes: là où on invitait un orchestre symphonique pour dix représentations, on en fera plus que sept."
Le Festival d'Avignon a réduit de deux jours sa durée et fermé un lieu, la carrière de Boulbon, face à la baisse de 5% de la subvention de la ville.
A Montpellier, le Printemps des comédiens, fragilisé par la grève des intermittents du spectacle l'an dernier, a réduit sa programmation d'une semaine.
Rio Loco à Toulouse se déroulera sur 4 jours au lieu de 5 cette année, afin de "maintenir un haut niveau de qualité" malgré un budget en recul de 15% à 1,2 million d'euros, selon l'adjoint au maire chargé des questions culturelles, Francis Grass.
A Montauban, la mairie espère économiser 200.000 euros (un quart de son budget festivals) en fusionnant trois festivals (Alors chante, Jazz à Montauban et Danse en places). Le festival de théâtre ibérique et d'Amérique latine "Les Translatines" disparaît à Bayonne, faute de subventions.
- les maires reprennent la main -
"On n'a pas annulé de gaieté de coeur" assure le directeur général adjoint de la mairie de Villefranche-sur-Saône François Dufresne, à propos d' "Un été côté Saône", qui devait fêter cette année ses 10 ans. La mairie explique avoir touché 900.000 euros de dotation de l'Etat en moins cette année.
Même un festival "historique" comme le festival de musique sacrée de la Chaise-Dieu a dû réduire de deux journées sa programmation, devant la baisse des subventions et du mécénat.
Ailleurs, c'est l'arrivée aux commandes de nouveaux élus après les municipales qui a changé la donne. Le maire de Francheville (métropole de Lyon) a souhaité remplacer le festival "Fort en jazz" né il y a 25 ans par un festival de musique, théâtre et cinéma en plein air jugé plus populaire.
Les festivals de rock, pop ou électro, dont l'économie repose davantage sur la billetterie et moins sur les subventions, se portent bien dans l'ensemble.
Le Printemps de Bourges, qui débute vendredi, conserve ainsi ses subventions (près de 30% du budget). Cas particulier: l'Hadra trance festival, plus grand festival de musique électronique trance en France, a été prié de plier bagage par le nouveau maire de Lans-en-Vercors (Isère), au motif qu'il était contraire à "l'esprit familial" de la station.
A Grenoble, la nouvelle municipalité Verts/Front de gauche a arrêté son soutien aux Musiciens du Louvre et coupé dans les budgets. "On nous a annoncé une baisse rétroactive de 20% pour l'édition 2014, et pour 2015", proteste Benoit Thiebergien, directeur du festival de création musicale "Détours de Babel". "La municipalité dit privilégier les événements festifs et populaires, on se demande ce que cela veut dire", s'interroge-t-il.
"Il y a une tendance dangereuse: les municipalités disent que puisque l'Etat se désengage, ils vont reprendre la main, il y a un risque de balkanisation, avec l'émergence d'une politique dictée par les goûts des élus", dit-il.
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