Trente-trois personnes ont été tuées samedi dans un attentat-suicide en Afghanistan, près de la frontière pakistanaise, ont annoncé les autorités locales, selon lesquelles l'Etat islamique (EI) a revendiqué cette attaque qui pourrait être la première d'envergure de ce groupe jihadiste dans une région considérée comme le berceau historique des talibans et d'Al-Qaïda.
Il s'agit de l'attentat le plus sanglant en Afghanistan depuis novembre, quand un kamikaze s'était fait exploser au milieu des spectateurs au cours d'un match de volley-ball, provoquant la mort de 57 personnes.
Samedi, le kamikaze a frappé devant une succursale de la Kabul Bank, la principale banque privée du pays, au moment où des fonctionnaires étaient venus toucher leur salaire mensuel, à Jalalabad, une grande ville de l'est.
"Les corps de 33 personnes et plus de 100 blessés ont été amenés à l'hôpital", a dit à l'AFP le Dr Najeebullah Kamawal, chef du principal hôpital local.
L'ONU a fourni un bilan plus lourd, de 35 morts, et le porte-parole du gouvernement provincial Ahmad Zia Abdulzai a fait état de 115 blessés, dont quatre dans un état grave.
Par ailleurs, deux motos piégées ont été découvertes et détruites à Jalalabad, a annoncé le ministère de l'Intérieur.
Après l'attentat, des lambeaux de chair, des jambes, des têtes et une mare de sang tapissaient le sol, selon un journaliste de l'AFP sur place.
Les talibans afghans du mollah Omar, qui ont tendance à ne pas revendiquer les attentats faisant des victimes civiles, ont pour leur part rapidement et fermement condamné cette attaque.
- La marque de l'Etat Islamique ? -
En revanche, dans un appel à l'AFP, Shahidullah Shahid, un ex-porte-parole des talibans pakistanais du TTP limogé après avoir fait allégeance à l'EI, a revendiqué cet attentat-suicide. Il n'a pas été possible samedi de confirmer s'il avait actuellement des liens avec cette organisation.
"Qui a revendiqué cet attentat épouvantable dans le Nangarhar aujourd'hui ? Les talibans n'ont pas revendiqué cet attentat, Daesh a revendiqué cet attentat", a par la suite déclaré le président afghan Ashraf Ghani, évoquant l'acronyme arabe de l'EI, qui a proclamé un califat sur une partie de la Syrie et de l'Irak.
Au cours des derniers mois, des responsables afghans ont répété leurs craintes d'un élargissement de la zone d'action de l'Etat islamique, une période d'incertitudes s'ouvrant avec la fin de la mission de combat de l'Otan en Afghanistan.
Mais des observateurs soupçonnent les autorités de vouloir grossir l'importance de l'EI afin de toucher davantage de subsides des pays occidentaux et de maintenir l'attention de la communauté internationale sur l'Afghanistan au moment où l'Otan réduit la voilure.
"La présence ici de l'EI n'a jamais vraiment été confirmée et nous devons demeurer prudent quant aux revendications faites au nom de l'EI", a déclaré à l'AFP Haroon Mir, un analyste afghan spécialisé dans les questions de sécurité.
Dans une vidéo diffusée en janvier sur des forums jihadistes, une dizaine d'ex-cadres talibans, principalement pakistanais, mais aussi afghans, avaient prêté collectivement allégeance à l'Etat islamique et à son chef Abou Bakr al-Baghdadi.
L'ex-porte-parole des talibans pakistanais Shahidullah Shahid, qui a revendiqué l'attaque de Jalalabad, ne faisait pas partie du lot. Mais il reste considéré comme un proche d'Abdul Rauf Khadim, un commandant soupçonné de ralliement à l'EI et tué en février par une frappe d'un drone américain.
- Saison des combats -
Si l'EI est bien l'architecte de l'attaque de Jalalabad, "l'Afghanistan devra se préparer à un été sanglant, peut-être le plus sanglant des 14 dernières années", a prévenu M. Mir.
Cette attaque survient au début de la "saison des combats", marquée par le redoux printanier. Or, les forces afghanes sont pour la première fois cette année sur la "ligne de front" pour le début de cette période car la mission de l'Otan dans le pays (Isaf) a mis fin à ses opérations en décembre dernier.
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