Les violences xénophobes récurrentes en Afrique du Sud reflètent à la fois les frustrations de la majorité noire qui continue de souffrir économiquement, et la résurgence d'une culture de violence exacerbée durant la ségrégation raciale sous l'apartheid.
Question: Quel a été le déclencheur des violences ?
Réponse: En janvier à Soweto, le célèbre township aux portes de Johannesburg, l'éruption de violence avait commencé après la mort d'un adolescent sud-africain tué par un épicier somalien alors que des jeunes tentaient de dévaliser sa boutique. L'incident avait déclenché des pillages en série et des violences faisant au moins six morts.
A Durban, dix jours avant Pâques, le roi Goodwill Zwelithini a tenu un discours sur l'insécurité, dénonçant la présence d'étrangers en situation illégale. "Le roi n'a jamais dit qu'il fallait tabasser les gens", se défend son frère, le prince Thulani Zulu. "C'est la faute des médias".
"Même si le roi n'avait rien dit, le sentiment anti-étrangers était déjà élevé, ça bouillonnait sur le thème +il faut que les étrangers s'en aillent+", observe Mary de Haas, analyste de la violence politique au Kwazulu-Natal.
Q: Pourquoi seuls les étrangers africains sont-ils pris à parti ?
R: Ce qu'on entend dire, poursuit Mme de Haas, c'est "+on a trop d'étrangers+, +ils prennent les emplois car ils sont prêts à travailler pour moins cher que nous+, +ils sont arrogants+, +ils ne sont pas forcément des réfugiés et il n'y a pas la guerre dans les pays d'où ils viennent+, +ils achètent des marchandises à crédit à leurs compatriotes somaliens ou à leurs correligionaires qui leur font des rabais que les commerçants locaux n'obtiennent pas et ils ruinent le commerce informel+".
De fait, dans l'agglomération de Durban plus d'un millier d'épiceries sont tenues par des Ethiopiens, parfaitement en règle et qui regroupent leurs achats de marchandise, sucre, lessive, foufou de maïs, pour revendre au détail.
Et parmi les Congolais rencontrés par l'AFP, beaucoup sont sans papier et se débrouillent en faisant coiffeuse informelle pour les femmes, et vigiles pour les hommes, payés au noir 50 ou 60 rands la journée (moins de 5 euros).
Le nombre d'émigrants africains dans le pays dépasse probablement largement les deux millions officiellement recensés, mais les statistiques ne prennent pas en compte les très nombreux sans-papiers.
Q: Les violences sont-elles spontanées ?
R: "Je pense vraiment que c'est organisé. Qui est derrière, je ne sais vraiment pas mais il y a un degré de coordination. Quelqu'un savait où était les magasins", observe aussi Mme de Haas, corroborant plusieurs témoignages d'étrangers de Durban racontant qu'ils avaient été prévenus à temps par des voisins.
La province du Kwazulu-Natal a aussi été celle où la logique tribale et l'incitation aux violences entre Noirs a été le plus poussée à son comble par la minorité blanche sous l'apartheid, selon Mme de Haas.
Q: Les Sud-Africains sont-ils xénophobes ?
R: "Nous ne voulons pas qu'on nous voit comme un pays xénophobe, et nous ne le sommes pas () Le problème est plus profond, il y a la pauvreté, le chômage. Le gouvernement n'a pas été assez proactif", estime aussi Paul Ngoma, secrétaire général de la chambre de commerce noire (Nafcoc) au Kwazulu-Natal.
"On s'est occupé des libertés politiques, mais économiquement, on est encore très loin du compte. Il y a un grand fossé entre riches et pauvres, et les riches ne sont pas avec nos concitoyens noirs, ceux qui se battent pour des ressources insuffisantes dans les townships ou là où les gens pensent que les étrangers leur prennent ces maigres ressources", ajoute-t-il.
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