Renault a répété jeudi soir son opposition à la décision de l'Etat de lui imposer l'application d'une loi anti-spéculation, mais s'est a priori gardé de prendre des mesures concrètes pour enrayer la manoeuvre du gouvernement.
De son côté, au terme d'une journée riche en tensions et conjectures, le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a semblé vouloir jouer l'apaisement, assurant que les équilibres de l'alliance Renault-Nissan "sont et seront pleinement préservés par l'Etat francais".
A l'issue d'un conseil d'administration extraordinaire convoqué par le PDG Carlos Ghosn, cette instance a réaffirmé dans un communiqué "son soutien à la résolution n°12 qui sera présentée à l'assemblée générale du 30 avril 2015, motivée par la situation spécifique des droits de vote au sein de l'Alliance".
Cette résolution vise à empêcher l'application à Renault de la "loi Florange", un dispositif visant les spéculateurs et qui garantit des droits de vote doubles aux détenteurs d'actions depuis plus de deux ans.
Pour qu'une telle résolution passe, elle doit recevoir le soutien des deux tiers des votes exprimés lors de l'assemblée générale. Le gouvernement, décidé à défendre la loi et ses droits, a acquis 4,73% supplémentaires du capital du groupe au Losange, opération dont le coût se situe "entre 814 millions d'euros et 1.232 millions d'euros", selon un arrêté de Bercy publié jeudi au journal officiel.
Cette manoeuvre porte de 15 à 19,7% la part de l'Etat au sein de l'ex-Régie, et 23,2% des droits de vote exerçables dans l'entreprise. Vu la participation habituelle au vote des assemblées générales de Renault, cette proportion devrait garantir à l'Etat la minorité de blocage nécessaire pour forcer la main à Renault.
L'ordre du jour de la convocation au Conseil d'administration de jeudi soir, "l'évolution de la composition de l'actionnariat de Renault et ses conséquences sur l'Alliance" avec Nissan, avait alimenté les spéculations sur une contre-attaque de M. Ghosn. Nissan détient 15% de Renault et l'entreprise française contrôle 44% du capital du constructeur japonais. Mais Nissan ne vote pas à l'Assemblée générale en vertu de dispositions réglementaires.
- 'Pleine confiance' en Ghosn -
Relevant que "la pérennité et le succès de l'Alliance sont, depuis son origine en 1999, basés sur un équilibre des participations", le Conseil d'administration s'est contenté de demander, selon le communiqué diffusé jeudi soir, que "l'équilibre entre les deux principaux actionnaires de Renault (l'Etat français et Nissan, NDLR) soit maintenu lors de la prochaine assemblée générale ou restauré après celle-ci".
Cette formulation semblait ciselée pour éviter un choc frontal avec le gouvernement, et elle a d'ailleurs été reprise au vol jeudi soir par M. Macron: "les équilibres de l'alliance sont et seront pleinement préservés par l'Etat francais", a-t-il affirmé à l'AFP.
Alors que de source proche de Renault, la déclaration des administrateurs a été adoptée à l'unanimité moins une voix, le ministre a aussi estimé qu'"il était normal qu'il y ait ce conseil d'administration qui permettait à chacun de clarifier les positions".
Plus tôt jeudi, M. Macron avait assuré que les actions récemment acquises seraient "revendues dès après l'assemblée générale".
Interrogé par Public Sénat sur la question de savoir s'il avait "un problème avec Carlos Ghosn", le ministre de l'Economie avait aussi répondu: "Pas du tout. Carlos Ghosn a la pleine confiance du gouvernement".
"Sa stratégie, nous la soutenons, nous sommes à ses côtés, simplement le gouvernement a fait voter une loi sur les droits de vote doubles qui existent dans de nombreux pays () nous avons simplement décidé de défendre nos droits", avait-il martelé.
Firme nationalisée à la Libération, Renault est devenue une société anonyme au début des années 1990 et l'Etat s'en est progressivement désengagé.
Le ministre des Finances Michel Sapin avait de son côté assuré que l'Etat "n'a absolument pas, ni le pouvoir ni la volonté de prendre le pouvoir" chez Renault, mais prévenu: "Je suis de ceux qui considèrent que les entreprises privées, même quand l'Etat est présent, doivent être gérées comme toutes les entreprises. Mais quand l'Etat est là, l'Etat pèse".
Le cours du titre Renault à la bourse de Paris n'a pas souffert de cette controverse, progressant de près de 3% jeudi, dans un marché en baisse d'un demi-point.
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