Le dessinateur Charb, assassiné dans l'attentat jihadiste contre son journal Charlie Hebdo, se livre à un réquisitoire virulent contre l'utilisation du mot "islamophobie" avec la "complicité des médias", dans un petit ouvrage posthume qui paraît jeudi.
Sa "Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes" a été achevée deux jours avant l'attentat (12 morts le 7 janvier), selon Les Échappés, la maison d'édition de l'hebdomadaire satirique qui la publie.
Pour Charb, qui était le directeur de Charlie, le terme "islamophobie" n'est "pas seulement mal choisi, il est dangereux". "Avoir peur de l'islam est sans doute crétin, absurde, et plein d'autres choses encore, mais ce n'est pas un délit". Et puisqu'"une religion n'existe pas sans croyants", il faut pouvoir se moquer d'eux, comme l'a fait Charlie avec ses caricatures du Prophète: "Le problème, ce n'est ni le Coran ni la Bible, romans soporifiques, incohérents et mal écrits, mais le fidèle qui lit le Coran ou la Bible comme on lit la notice d'une étagère Ikea" en pensant qu'"il faut tout bien faire comme c'est marqué sur le papier, sinon l'univers se pète la gueule".
En outre, "pendant que nous débattons pour savoir si dire que le Coran est un bouquin nul constitue une forme de racisme ou non, les racistes se marrent", estime le caricaturiste. "Si demain les musulmans de France se convertissent au catholicisme ou bien renoncent à leur religion, ça ne changera rien au retour des racistes: ces étrangers ou ces Français d'origine étrangère seront toujours désignés comme responsables de tous les maux".
Charb ne ménage pas ses confrères. "Le terme +islamophobie+ ne connaîtrait pas ce succès délirant sans la complicité, le plus souvent imbécile, des médias", dit-il. "Par fainéantise, ensuite par attrait de la nouveauté et, enfin, par intérêt commercial".
Il n'épargne pas davantage le pouvoir, fustigeant la visite du président François Hollande en février 2014 à la grande mosquée de Paris pour inaugurer un mémorial. "Que la République élève un monument aux indigènes qu'elle a fait assassiner plutôt que d'inventer des combattants musulmans morts pour la France", s'emporte l'essayiste, estimant que "la France est un salami que le PS a la fâcheuse tendance à découper en tranches communautaires".
Charb moque aussi les injonctions des politiques et des religieux à "être responsable" dans la caricature. "Les censeurs n'en veulent pas du tout, de cette pute de liberté d'expression ! Pas du tout. Mais ils ont raison de manifester leur barbare bêtise, puisque ça fonctionne. L'autocensure est en passe de devenir un art majeur en France", écrivait-il.
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