L'Assemblée nationale a modifié mardi soir, sur initiative du gouvernement, la procédure d'urgence prévue dans le projet de loi sur le renseignement pour permettre la mise en oeuvre d'une technique de surveillance sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle.
Cette urgence ne pourra s'appliquer pour l'intrusion d'un domicile ni lorsqu'un magistrat, un avocat, un parlementaire ou un journaliste est ciblé. L'objectif est de "protéger les professions qui ont besoin de la protection du secret des sources, mais aussi du secret de l'enquête, de l'instruction et du délibéré", a déclaré la ministre de la Justice Christiane Taubira, jugeant que cela répondait "aux interrogations sur lesquelles le gouvernement avait déjà apporté des assurances en commission".
Des députés écologistes mais aussi UMP ont échoué à faire ajouter les médecins à ces professions par souci de protéger le secret médical. La ministre de la Justice Christiane Taubira comme le président PS de la commission des Lois Jean-Jacques Urvoas s'en étaient remis pour les médecins à la "sagesse" des députés mais avaient jugé qu'ils n'étaient pas au même rang dans la protection de la démocratie.
En commission, les députés avaient, contre l'avis du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, modifié substantiellement la procédure d?urgence qui permettait au Premier ministre d?autoriser la mise en ?uvre d?une technique de renseignement sans avis préalable de la CNCTR.
Ils avaient prévu pour l?ensemble des techniques du renseignement, exceptées celles comportant une introduction dans un lieu privé à usage d?habitation, un régime d?urgence absolue. Le chef de service, ou la personne qu'il aura désignée, pouvait dans leur version autoriser de manière exceptionnelle, sans avis de la CNCTR ni décision du Premier ministre, la mise en ?uvre d?une technique de renseignement lorsqu?il existe une menace imminente ou un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l?opération ultérieurement.
Le Premier ministre et la CNCTR devaient être informés sans délai et fournir des éléments de motivation sous 24 heures.
Mais "un tel régime d?urgence crée une confusion entre deux types d?urgence: l?urgence absolue, liée à l?impossibilité pour la commission de statuer dans le délai imparti ou à une impossibilité technique; l?urgence opérationnelle liée à une menace imminente ou au risque très élevé de ne pouvoir effectuer l?opération ultérieurement", selon l'amendement défendu mardi par le ministre de l'Intérieur.
"Le gouvernement considère que seule l?urgence opérationnelle doit permettre à un chef de service d?autoriser directement la mesure de surveillance, sans recourir ni à l?avis de la CNCTR, ni à l?autorisation du Premier ministre", précise son exposé des motifs, défendant un régime "proportionné".
Et le Premier ministre fera parvenir à la commission, dans un délai maximum de 24 heures, tous les éléments de motivation requis et justifiant le caractère d?urgence absolue.
"Ce n'est pas du tout un retour au texte initial", a affirmé le rapporteur du projet de loi, le président PS de la commission des Lois Jean-Jacques Urvoas.
L'écologiste Noël Mamère a évoqué "un compromis plutôt bancal pour répondre à des inquiétudes d'un certain nombre d'entre nous sur le fait que vous passez outre cette commission".
Si l'UMP Eric Ciotti a jugé "totalement opportun" l'amendement défendu par Bernard Cazeneuve, son collègue Pierre Lellouche a considéré que ce régime d'urgence à deux niveaux "va ajouter à la complexité inutilement".
L'UDI Hervé Morin a dit ne pas comprendre pourquoi les services de renseignement ne saisissaient pas dans le même temps le cabinet du Premier ministre et la CNCTR.
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