La maire PS de Lille Martine Aubry a été définitivement mise hors de cause mardi dans un des dossiers du scandale sanitaire de l'amiante, qui lui avait valu une mise en examen en 2012 pour des faits vieux de 30 ans.
Enième rebondissement dans cette procédure ouverte en 1997, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi contre l'annulation de la mise en examen de l'ex-ministre et de sept autres personnes dans l'enquête sur l'empoisonnement de salariés de l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados).
L'ancienne juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait élargi le spectre des investigations à la recherche d'éventuelles responsabilités nationales dans la gestion du dossier de l'amiante et au rôle du Comité permanent amiante (CPA), lobby des industriels qui a efficacement défendu "l'usage contrôlé" de cette substance pour en retarder au maximum l'interdiction, finalement intervenue en 1997.
Martine Aubry avait été mise en examen en novembre 2012 pour "homicides et blessures involontaires" pour son rôle entre 1984 et 1987 au ministère du Travail, dont elle était directrice des relations du travail. L'ancienne patronne du PS a toujours soutenu avoir agi en fonction des connaissances de l'époque pour protéger au mieux les salariés.
"Le non-lieu de Martine Aubry est enfin définitif, elle en est tout à fait satisfaite", s'est félicité mercredi son avocat Yves Baudelot, en regrettant que ces poursuites n'aient pas été annulées plus tôt.
La Cour de cassation a validé l'arrêt de la cour d'appel de Paris de juin, qui avait annulé les huit mises en examen en relevant que les personnes poursuivies ne pouvaient "dans le contexte des données scientifiques de l'époque, mesurer le risque d'une particulière gravité auquel elles auraient exposé les victimes" et qu'aucune négligence ne pouvait leur être reprochée dans la surveillance de la réglementation.
Conséquence de l'arrêt: le dossier est ramené à sa dimension locale, puisque parmi les huit personnes qui demeurent mises en examen, six sont d'anciens directeurs ou employés de l'usine de Condé-sur-Noireau.
- 'Faillite de l'institution judiciaire' -
L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), qui milite pour un "grand procès" d'une catastrophe susceptible de provoquer jusqu'à 100.000 décès d'ici 2025, s'est insurgée contre cette décision, perçue comme l'illustration de la "faillite de l'institution judiciaire".
"Le dossier d'instruction montre qu'il y avait bien une connaissance exacte du risque à l'époque en matière de cancers par des gens qui étaient en charge du dossier et qui n'ont rien fait", a déclaré à l'AFP Michel Parigot, un responsable de l'Andeva. "Si dans ces conditions, l'institution n'est pas capable de juger -on ne dit même pas de condamner- alors cela signifie qu'on ne peut pas juger en France les affaires sanitaires", a-t-il déploré, plaidant pour une réforme du code pénal concernant ces dossiers.
"La Cour de cassation ramène le dossier de Condé à une simple affaire d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise", a déploré Michel Ledoux, un des avocats de l'Andeva. "Combien de personnes faut-il tuer pour que ce soit une affaire de santé publique?"
Dans deux autres enquêtes relatives à l'amiante -celle emblématique du campus universitaire parisien de Jussieu et celle des chantiers navals de la Normed à Dunkerque (Nord)-, la haute juridiction a cassé mardi deux décisions qui avaient annulé des mises en examen. La Cour de cassation a renvoyé ces dossiers devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui devra statuer de nouveau.
Le caractère cancérogène de l'amiante est connu depuis les années 50 mais le premier décret réglementant son usage en France ne date que de 1977 et son interdiction de 1997. En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l?État pour sa "gestion défaillante" du dossier de l'amiante, jugé responsable par les autorités sanitaires de 10% à 20% des cancers du poumon.
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