Manuel Valls a justifié lundi devant les députés le renforcement des pouvoirs des services de renseignement à l'heure de "la société numérique", qui "a changé la donne" de la lutte contre le terrorisme face aux critiques de ceux qui y voient le début d'une "surveillance de masse".
Le projet de loi sur le renseignement, débattu jusque jeudi à l'Assemblée en procédure accélérée, "n'installe en aucune manière un appareil de surveillance policière de la population", a assuré le Premier ministre en dénonçant "des faux-procès".
"Mais il est incontournable d'adapter les mesures de surveillance () Lorsque les échanges sont dissimulés ou ne sont pas décryptables, il faut pouvoir contourner l?obstacle, soit par le recours à certaines techniques d'intrusion informatique, soit par le recours à la sonorisation de lieux privés, soit par la géolocalisation en temps réel des personnes", a-t-il justifié.
Le projet de loi fait partie de la réponse législative aux attentats de Paris mais avait été décidé dès juillet 2014 et va au-delà du terrorisme. A l'origine, le constat, selon son rapporteur Jean-Jacques Urvoas (PS), que la France est "la seule démocratie occidentale" à ne pas avoir de cadre légal pour sa politique du renseignement, laissant ses agents opérer dans "des zones grises" à la merci de condamnations de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le projet définit les missions des services (intérieur, extérieur, militaire, douanier), de "la prévention du terrorisme" à "la défense et la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France".
Il énumère les techniques (écoutes, pose de caméras ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.) pour surveiller la personne visée (voire son entourage) et leur régime d'autorisation (finalité, durée, conservation et destruction des données) sous le contrôle d'une nouvelle autorité administrative indépendante.
L'adoption du texte ne fait aucun doute. "La guerre contre le terrorisme nécessite de dépasser les clivages politiques, et exige l?unité nationale. C?est la raison pour laquelle nous prendrons nos responsabilités en soutenant, de façon très majoritaire, ce projet de loi", a déclaré l'UMP Eric Ciotti au nom de son groupe.
Ce qui ne l'a pas empêché de défendre, en vain, une motion de renvoi du texte car "il n'y a rien sur la justice", a-t-il regretté.
Mais le consensus sera secoué de tous côtés, de l?UMP Lionel Tardy, qui entend demander "des garanties supplémentaires", au communiste Jean-Jacques Candelier, à l'écologiste Sergio Coronado ou à l'ancien ministre de la Défense UDI Hervé Morin, qui craint "que des procédures d'exception soient mises dans le droit commun".
Ils vont, à coup d'amendements, relayer les craintes de la Cnil, d'ONG, de syndicats de magistrats, du défenseur des droits Jacques Toubon ou des acteurs du numérique, sur des pouvoirs "exorbitants" donnés aux services.
Plusieurs dizaines de personnes ont ainsi manifesté lundi à quelques pas de l'Assemblée en scandant "Protégez nos libertés" à l'appel de plusieurs associations, regroupées dans "l'Observatoire des libertés et du numérique".
- Un contrôle renforcé -
Un point focalise leurs craintes: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d'outils d'analyse automatique pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste". Pour le Conseil national du numérique, cela "confine à une forme de surveillance de masse", qui a "démontré son extrême inefficacité aux Etats-Unis". Allusion aux pratiques de la NSA révélées par Edward Snowden.
Le gouvernement "entend garantir que la surveillance sera ciblée strictement sur les comportements menaçants", a assuré M. Valls en annonçant des amendements pour encadrer cette nouvelle technique, et plus généralement pour protéger certaines professions sensibles (magistrats, parlementaires, journalistes, avocats).
M. Urvoas insiste de son côté sur les "garanties" apportées par la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) qui aura "beaucoup plus de pouvoirs" que la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) qu'elle remplace.
Cette commission, dont la composition fait encore débat - à ce stade quatre magistrats, quatre parlementaires et un spécialiste des communications électroniques - devra donner son avis préalable à chaque mise en oeuvre de ces techniques sur le territoire national. Le Premier ministre pourra passer outre mais en motivant sa décision. Les députés ont limité en commission, contre l'avis du gouvernement, les cas d'urgence où elle ne sera informée qu'a posteriori.
Elle pourra accéder aux renseignements collectés, à leur traçabilité et aux locaux où ils sont centralisés. Elle pourra aussi saisir le Conseil d'Etat.
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