Verrouillée, simplement fermée ou carrément ouverte? La porte d'accès aux voies du RER B, qui a fauché deux supporters lillois en 2009 près du Stade de France, a été lundi au c?ur des débats à l'ouverture du procès de la SNCF pour homicides involontaires.
Un enfant de dix ans et un adolescent de 18 ans tués, onze personnes blessées, dont trois grièvement: l'accident, sur un pont ferroviaire après un match entre Lyon et Lille le 7 mars 2009, avait suscité une vive émotion, notamment chez les supporters du Losc.
Six ans après, la SNCF doit répondre de "blessures" et "homicides involontaires" et encourt une amende de 450.000 euros.
A l'origine de l'accident, un tragique "concours de circonstances", a rappelé la présidente de la 14e chambre correctionnelle du tribunal de Bobigny, Béatrice Patrie.
Ce soir-là, les supporters doivent regagner leur autocar garé dans un parking de l'autre côté du canal Saint-Denis, à 500 mètres du stade. Ils sont pressés: s'ils n'arrivent pas avant 23H30, il leur faudra retourner à Lille par leurs propres moyens.
Faute de pouvoir reprendre le chemin suivi à l'aller -un cordon de CRS les en empêche- et après avoir vainement tenté de se renseigner auprès d'un agent du stade, ils finissent par gravir un escalier menant aux voies, théoriquement interdit au public, mais dont la porte d'accès n'était, selon eux, pas verrouillée.
Une fois sur le pont ferroviaire, dans le noir, ils longent la voie "en file indienne". C'est alors qu'un RER reliant la gare du Nord à Roissy-Charles-de-Gaulle surgit "derrière eux" à 82 km/h.
- 'Comme dans un moulin' -
Pour les enquêteurs, la SNCF a commis une "faute caractérisée", "en ne s'assurant pas que les grilles et portillons qui donnent accès aux voies étaient bien verrouillés".
Au premier jour du procès, son directeur régional Paris-Nord, Jérôme Leborgne, s'est employé à démontrer le contraire: la porte, dépourvue de poignée, ne pouvait être ouverte qu'avec une "clé de Berne" - une clé carrée "passe-partout" qui permet d'accéder facilement aux voies si besoin.
Certes, "avec différents outils, on peut forcer l'ouverture, mais alors c'est une effraction", a poursuivi le représentant de la SNCF.
En l'occurrence, les supporters ont-ils forcé la porte ou était-elle ouverte?
es tournées d'inspection réalisées un mois avant n'ont relevé "aucune anomalie", fait valoir la SNCF. Catégorique, M. Leborgne assure que "s'il y avait eu une porte ouverte, nos agents, qui sont très expérimentés, l'auraient vu".
Impossible, rétorquent les avocats des parties civiles, car les inspections étaient effectuées depuis des trains roulant à 70 km/h!
Romain Delattre, qui portait le petit Jordan, mort à dix ans, sur son dos lors du drame, est formel: la porte était "grande ouverte" quand il est passé, aucun panneau ne signalait le danger et le temps qu'il réalise où il se trouvait, ses camarades et lui avaient été "happés par le train comme des quiles au bowling".
Insinuer qu'ils aient pu forcer la porte "avec un couteau suisse" revient à dire que "les victimes seraient à l'origine de la faute", s'est insurgé son avocat Laurent Guilmain.
"Il ne suffit pas de présenter ses condoléances aux victimes", a renchéri Thierry Normand, l'avocat de la mère de Sullivan Brunel, l'adolescent décédé. Comme ses confrères, il s'est dit "surpris" de l'attitude de la SNCF, "qui essaie par tous les moyens d'échapper à sa responsabilité pénale" alors qu'à l'évidence, "on entre comme dans un moulin sur les voies".
Enfonçant le clou, la présidente a déroulé la liste des condamnations dont l'entreprise publique a fait l'objet depuis 1999 pour des faits similaires - plus d'une dizaine - et qui lui valent d'être poursuivie devant cette juridiction "en état de récidive légale".
"Vu le casier judiciaire de la SNCF, je comprends que vous soyez inquiets", a lancé Me Normand à l'adresse de la défense, dont la plaidoirie est attendue mardi après les réquisitions.
Le jugement sera mis en délibéré.
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