"Avancée" face aux renoncements aux soins ou mesure "démagogique"? La généralisation progressive du tiers payant, l'une des mesures phares du projet de loi santé mais aussi des plus combattues par la droite et les médecins, a été votée jeudi à l'Assemblée.
Dans un hémicycle moins garni qu'à d'autres moments de ce débat au long cours, la généralisation par étapes de ce système permettant de ne plus avancer les frais d'une consultation en médecine de ville a recueilli 23 voix contre 12, après deux heures de discussion.
Traduction d'une promesse de campagne de François Hollande, le tiers payant doit devenir "un droit" pour tous les assurés fin novembre 2017.
"Trop de Français renoncent à se soigner faute de moyens. L'adoption du #TiersPayant chez le médecin est une belle mesure de justice sociale!", a tweeté le Premier ministre Manuel Valls.
"Moment un peu émouvant" que ce vote, a commenté devant la presse la ministre de la Santé Marisol Touraine, confrontée à plusieurs mois de mobilisation du monde de la santé, en particulier des médecins, qui ont multiplié appels à la grève et manifestations.
Quasi généralisée à l'hôpital, la dispense d'avance de frais ne concerne actuellement que 30% des consultations dans les cabinets médicaux de ville, essentiellement pour les patients bénéficiaires de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et de l'aide médicale d'État.
Avec le tiers payant, le médecin est directement rémunéré par l'assurance maladie et les complémentaires.
Tant la ministre que les députés du PS ou du Front de Gauche ont vanté une "avancée" face aux situations de malades, y compris parfois en affection longue durée, qui repoussent une consultation par manque de moyens pour faire l'avance des frais.
"Il ne s'agit pas de faire de l'idéologie, mais de répondre à la réalité", jusqu'à 20% des Français et jusqu'à des niveaux de revenus autour de 2.000 euros par mois renonçant à des soins, selon Mme Touraine.
- "Bureaucratisation" ou "simplicité" -
"Il n'y a pas de problème d'accès aux soins en France en dehors des prothèses dentaires, auditives et des lunettes", a protesté l'ancien président (UMP) de l'Assemblée Bernard Accoyer, ORL de profession. "Ne vous cachez pas derrière les médecins pour dissimuler votre impuissance sur le sujet fondamental du pouvoir d'achat", a aussi lancé Marion Maréchal-Le Pen (FN).
Et "l'avancée serait aussi de ne pas faire payer le gaz, l'électricité, les loyers et de tout rendre gratuit!", s'est exclamé le député UMP de Paris Bernard Debré, chirurgien. Mais "c'est seulement une technique de paiement du médecin, pas une gratuité des soins", a insisté la rapporteure PS Bernadette Laclais, soulignant que les assurés sociaux cotisent.
Parlant de "bombe" ou de "big bang" pour des raisons de "marketing politique pendant une campagne", la droite, surtout l'UMP, mais aussi l'extrême droite, ont alerté sur une "déresponsabilisation des patients", une "inflation" des consultations coûteuses pour l'assurance maladie, "une bureaucratisation des médecins" et une peur de "ne pas être payés ou avec retard".
Alors que les radicaux de gauche auraient voulu un temps d'expérimentation, leur oratrice et médecin Dominique Orliac a alerté sur un "risque de mise en péril du fonctionnement de beaucoup de cabinets médicaux et une aggravation des déserts médicaux".
A La Réunion, où le tiers payant est généralisé "depuis plus de douze ans", le système fait "consensus", a tenu à témoigner la socialiste Monique Orphé, récusant comme d'autres le "faux procès" d'une déresponsabilisation des patients et plaidant pour régler "le problème du reste à charge". "Nous n'allons pas chez le médecin par plaisir, mais parce que nous sommes malades", a-t-elle lancé.
La ministre s'est déclarée "certaine que, dans dix ans, on ne parlera plus du tiers payant parce qu'il sera devenu une banalité, une norme, une simplicité".
Jugeant que "beaucoup des réticences (des médecins), qu'il ne s'agit pas de nier, viennent de leur inquiétude quant à la mise en oeuvre", elle a martelé que l'application se fera "très progressivement", comme gravé dans le texte en commission, et que les difficultés administratives et techniques seront résolues.
"Intervention affligeante de Marisol Touraine sur le tiers payant! Quelle salade! Vivement 2017 que ce supplice arrête!", a tweeté l'UMP Daniel Fasquelle, proche de Nicolas Sarkozy.
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