Après 48 heures d'une violente querelle politico-familiale, Marine Le Pen a annoncé jeudi soir une procédure disciplinaire contre son père au sein du FN tout en lui demandant de prendre sa retraite politique.
Invitée au journal de 20 heures de TF1, la présidente du FN a annoncé que son père serait convoqué "devant le bureau exécutif" du parti "siégeant en sa qualité de structure disciplinaire".
Commission de discipline comme un simple militant pour celui qui a co-fondé le FN en 1972 et qui l'a présidé pendant près de 40 ans ? "Personne ne comprendrait qu'il y ait au FN des personnalités qui puissent exprimer une pensée qui soit personnelle et contraire aux statuts du FN", a justifié la benjamine des trois filles du "menhir".
Elle a réaffirmé son souhait que "Le Pen" ne représente pas le FN aux régionales de décembre en Paca. La décision, a-t-elle rappelé, appartiendra au bureau politique du parti, qui se réunira le 17 avril.
Mais, exprimant son "chagrin en tant que fille" de Jean-Marie Le Pen et "comme militante" face à la situation, elle a demandé à celui qui a été élu pour la première fois député en 1956 de "faire preuve de sagesse, de tirer les conséquences du trouble qu'il a lui-même créé et peut-être arrêter ses responsabilités politiques."
Pourquoi en vient-elle à une procédure disciplinaire cette fois alors qu'elle n'avait jusqu'ici opposé que des protestations verbales aux multiples déclarations polémiques de son père ? "C'est le phénomène de la récidive", a lâché l'eurodéputée.
"On a le sentiment dans cette interview qu'il y a toutes les provocations qui sont réitérées (), des propos qui sont totalement en rupture avec la ligne" du parti.
Invité de RTL vendredi matin, Jean-Marie Le Pen aura l'occasion de dire s'il compte se présenter à cette convocation de l'instance suprême du FN, composée de neuf membres et dont il est déjà membre de droit. La réunion devrait se tenir dans au minimum 15 jours, à cause du délai obligatoire de convocation, selon une source FN.
- "Quand la bête est à terre, on l'achève" -
Jusqu'à peu, les dirigeants FN, même dans les discussions avec les journalistes, gardaient une certaine mesure concernant "Le Pen", soulignant avec une quasi-tendresse son côté "emmerdeur" et le présentant, autant lassés qu'amusés, comme le "vieil oncle éructant à la fin des repas de famille". Pouvoir de nuisance ? Aucun ou presque, assuraient-ils.
Les dagues sont dégainées depuis mercredi matin au lendemain de la diffusion de l'entretien de Jean-Marie Le Pen à Rivarol, dans lequel -sans nouveauté majeure sur le fond-, il déroule "un best of des textes et des mots de toute sa carrière", selon les termes du patron des socialistes Jean-Christophe Cambadélis.
Dans cette polémique qui se déroule par médias interposés, le numéro deux du parti, Florian Philippot, a été le plus loin, assurant jeudi qu'il serait "préférable" que Jean-Marie Le Pen démissionne du parti. L'hypothèse même d'une exclusion de Jean-Marie Le Pen du FN n'est plus inenvisageable. "Toutes les options sont sur la table", a lâché M. Philippot.
Une exclusion ? Cette décision serait "complètement folle", porteuse d'un "risque d'implosion" du FN, a répliqué dans la journée Le Pen père.
Mais le bain de sang à venir pourrait ne pas éclabousser tout le monde. En rompant avec son père, Marine Le Pen peut espérer tirer un avantage politique dans sa stratégie de "dédiabolisation". Nombre de frontistes ont d'ailleurs salué sur Twitter la prestation télévisée de leur chef: "L'étoffe d'une femme d'Etat", pour M. Philippot. La crise, "une chance pour le FN", selon Robert Ménard, maire de Béziers.
Ce changement radical de ton envers Jean-Marie Le Pen n'est par ailleurs pas dépourvu de calcul : "Ils accélèrent le processus de destruction. Quand la bête est à terre, on l'achève", remarque un frontiste historique.L'intérêt général des Français devant l'intérêt personnel de Jean-Marie Le Pen: ainsi est mis en forme le rejet du "suicide politique" évoqué par Marine Le Pen.
Mais le principal intéressé est convaincu: en cas d'exclusion, "le prestige que je conserve assez naturellement au sein du FN provoquera des remous considérables et pour elle, une perte d'influence qu'elle ne mesure sans doute pas."
Une situation qui a réjoui les adversaires du FN, et au premier rang desquels l'ancien président Nicolas Sarkozy, qui en meeting dans l'Oise a assuré : "On se sent humiliés d'assister à un tel spectacle".
La violente dispute occulte aussi un autre danger pour le parti d'extrême droite, qui doit faire face à une enquête judiciaire sur ses campagnes électorales qui s'est accélérée avec de nouvelles mises en examen dévoilées jeudi, notamment pour financement illégal du parti.
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