Haut-fonctionnaire et résistant, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, qui vient de mourir à 98 ans, s'est révélé sur le tard historien de premier plan sur des périodes de la guerre qu'il a intimement vécues : "la drôle de guerre" et la France libre, autour du général de Gaulle.
Ses livres, comme "Les Français de l'an 40" (1990) et "La France libre. De l'appel du 18 juin à la Libération" (1996), fruits d'années de recherches, font aujourd'hui autorité dans la communauté des historiens.
En 2010, alors âgé de 93 ans, cet ancien directeur de la Documentation française avait crevé l'écran, par sa vigueur et la précision de son langage, en commentant pour les médias l'Appel du 18 juin 1940, dont on célébrait le 70e anniversaire. D'autres nonagénaires, grands résistants comme Stéphane Hessel ou Daniel Cordier, avaient également à cette occasion retenu l'attention du public.
Né le 22 janvier en 1917 à Colombes (Hauts-de-Seine), Jean-Louis Crémieux est originaire d'une famille juive implantée depuis cinq siècles à Carpentras, puis Nîmes et Narbonne. Depuis 1931, il passe une partie de ses vacances en Allemagne où il assiste à la montée du nazisme. Il fait ses études à la Sorbonne, obtenant une licence es lettres.
Mobilisé en septembre 1939, il suit une formation à Saint-Cyr et est affecté à l'extrémité ouest de la ligne Maginot. En juin, il est fait prisonnier dans la Marne et envoyé en Allemagne. Il parvient à s'évader d'un stalag de Poméranie début 1941 et gagne l'Union soviétique. Il y est emprisonné, comme plusieurs dizaines d'autres Français qui cherchent à rejoindre le général de Gaulle, et finalement interné.
L'invasion allemande engagée en juin 1941 change la donne : la France libre devient alliée de l'URSS, et avec quelque 200 autres Français évadés, il peut rallier la Grande-Bretagne, où il s'engage dans les Forces françaises libres en septembre 1941 sous le pseudonyme de Brilhac.
Il devient secrétaire du Comité exécutif de propagande et chef du service de diffusion clandestine de la France Libre (printemps 1942-août 1944). Il est amené à parler à plusieurs reprises au micro de Radio-Londres, préparant les émissions à destination de l'Europe occupée.
- Conseiller de Mendès-France -
Après la guerre, Jean-Louis Crémieux-Brilhac est le cofondateur de la Documentation française, dont il devient directeur-adjoint puis directeur. Il est fait conseiller d'Etat (1982-1986).
Dans les années 50, tout en gardant son admiration pour de Gaulle, il soutient Pierre Mendès-France : il est conseiller technique dans le cabinet du président du Conseil (1954-1955) et de René Billères (1956-1958), ministre de l'Education nationale. Il est l'animateur, avec Jacques Monod et le mathématicien André Lichnérowicz, du Mouvement pour l'expansion de la recherche scientifique (1956-1972).
A sa retraite, Jean-Louis Crémieux-Brilhac se fait historien, publiant des livres remarqués comme "Ici Londres. Les Voix de la liberté" (cinq volumes/1975-1977), "Prisonniers de la liberté" (2004), "Georges Boris, trente ans d'influence" (2010). Il avait écrit en 2010 la préface d'un album sur de Gaulle, coédité par l'AFP.
En 1990, il reçoit le prix de l'Assemblée nationale pour "Les Français de l'an 40" (deux volumes, parus chez Gallimard). Cet ouvrage, duquel bien peu de responsables du pays de cette époque sortent grandis, a permis de dévoiler, grâce à des archives souvent inédites, comme celles d'Edouard Daladier ou Marcel Déat, une France dont on ne savait alors pas grand-chose.
Dans "La France libre", il avait notamment fait apparaître un de Gaulle assez différent de celui qu'on connaissait généralement, plus réaliste, plus calculateur, plus visionnaire. Il s'agissait pour lui de faire "mieux comprendre ce dont les Français libérés lui furent redevables".
Jean-Louis Crémieux-Brilhac était grand officier de la Légion d'honneur et commander of the order of the British empire.
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