Leur corps n'est plus que chair mutilée à l'odeur pestilentielle mais du fond de leur lit d'hôpital à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, des rebelles brûlés au combat ne rêvent que d'une chose: repartir défendre "leur terre".
Gueorgui Ganzii n'a plus qu'une fesse, il est grièvement brûlé dans le bas du dos et il attend une prothèse pour l'une de ses jambes mutilée par l'explosion d'un "piège avec des grenades", le 13 février dernier à Spartak, près de l'aéroport de Donetsk.
Mais la volonté de cet homme de 39 ans, dont le visage cadavérique émerge à peine des draps blancs, est intacte.
"Je me suis engagé le 23 février l'an dernier. Je me suis battu en Crimée, à Marioupol et ici. Je déteste +les nazis+" (définition donnée par les prorusses au pouvoir proeuropéen de Kiev, ndlr), dit Gueorgui en se redressant un peu, laissant entrevoir un tatouage bleu à une phalange.
Cet ancien ouvrier métallurgique, crâne rasé, dit avoir été "impressionné" par ce qu'il a vu à Odessa -- plus de 40 personnes brûlées vives dans un incendie, principalement des militants prorusses, après des affrontements avec des militants pro-ukrainiens--, et à Marioupol, où Gueorgui accuse les soldats d'avoir tiré sur les civils.
Gueorgui a été blessé deux jours avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu conclu à Minsk pour mettre fin à la guerre qui déchire le pays. Mais il n'y attache pas d'importance. "le cessez-le-feu pffff il n'a aucune valeur. L'armée ukrainienne utilise la trêve pour renforcer ses positions".
"Evidemment, je regrette mes blessures mais les combats vont continuer et je veux retourner me battre", poursuit-il d'une voix claire. A côté de son lit, des médicaments contre la douleur s'entassent sur sa table de chevet.
"Mes camarades d'armes viennent me voir et me racontent ce qu'il se passe sur le terrain", confie-t-il, dans cette chambre sans miroir qu'il partage avec un rebelle amputé d'une jambe, dont les bandages sanguinolents sur le reste du corps font songer à une momie.
- ' Impatients de guérir ' -
A un étage inférieur du service pour grands brûlés, où la puanteur des chambres se répand dans les couloirs verts ornés d'icônes orthodoxes, Pavel, 28 ans, regarde ses jambes boursouflées, craquelées par endroits où sa peau est encore à vif.
"C'était le matin du 15 décembre. Il y avait du brouillard, j'étais dans un char. Après, je ne me souviens plus. Je me suis réveillé ici". "Je ne regrette rien. Ici c'est notre terre et il faut la défendre", poursuit le jeune homme qui ne dévoile que son prénom.
"Ma maison à Ilovaïsk a été détruite par les Ukrainiens. Ce sont eux qui ont commencé", affirme ce célibataire qui travaillait dans le secteur de la construction avant le conflit.
Pour Nina Iermolaeva, l'infirmière en chef, ces patients ont tous un point commun: "ils sont impatients de guérir, beaucoup plus que les autres. Et ils sont optimistes".
Lorsqu'un psychologue de Médecins du monde a récemment proposé ses services, les rebelles lui ont dit "non merci". "Ils n'en avaient pas besoin !", s'extasie Nina.
Assis derrière son bureau où trône une chouette en porcelaine, Emil Fistal, le directeur de l'Institut en chirurgie plastique d'urgence dont dépend ce service, affirme avoir accepté de soigner "tous les combattants blessés" lors de ce conflit qui a fait, en outre, 6.000 morts.
Séparatistes, soldats ukrainiens, volontaires russes engagés au côté des rebelles, et même des Polonais ayant rejoint l'armée régulière. "Je n'ai pas eu de militaires de l'armée russe", précise toutefois M. Fistal. Les patients étrangers à la région ont depuis été transférés chez eux.
Et lorsqu'on demande à Pavel comment il voit son avenir, il répond avec un large sourire : "Qui vivra verra".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.