Vingt ans après François Mitterrand, François Hollande a commémoré lundi le 71e anniversaire de la rafle des 44 enfants juifs d'Izieu, l'occasion de mettre en garde contre le "poison" du "repli", de "l'isolement" et du "fondamentalisme religieux".
"Nous sommes une fois encore réunis dans un lieu de drame, cette maison qui fut hier le théâtre d'une tragédie abominable et qui est aujourd'hui le symbole de la mémoire et de la fraternité", a déclaré le chef de l'Etat, premier président à se rendre à la Maison d'Izieu (Ain) depuis son inauguration comme musée par François Mitterrand le 24 avril 1994.
C'est dans ce petit hameau, niché sur les premiers contreforts montagneux de la vallée du Rhône, que les 44 enfants âgés de 4 à 17 ans furent raflés le 6 avril 1944 avec leurs sept éducateurs sur ordre du chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie, puis déportés et exterminés dans les camps d'Auschwitz-Birkenau (Pologne) et de Reval (Estonie).
Entre mai 1943 et avril 1944, la colonie d'Izieu, fondée par Sabine Zlatin, résistante juive d'origine polonaise, a accueilli au total une centaine d'enfants orphelins.
"Le mal ne s'est pas arrêté aux portes de cette maison, il renaît chaque fois que des idéologies totalitaires ou des fondamentalismes religieux s'emparent des passions et des peurs", a averti le chef de l'Etat, rappelant les "150 étudiants, chrétiens pour la plupart, massacrés par des fanatiques" au Kenya mais aussi la situation en Syrie et en Irak où "des minorités sont pourchassées pour leur religion, leurs origines, leurs traditions" ou encore les exactions commises par la secte Boko Haram au Nigeria.
Evoquant aussi les "épreuves terribles" des attentats meurtriers début janvier à Paris, il a appelé les Français une nouvelle fois à "plus que jamais (se) réunir et (se) rassembler".
Quant à ceux qui ont exprimé leurs "doutes" lors des élections départementales des 22 et 29 mars, marquées par une forte poussée du Front national, M. Hollande a mis en garde contre "le repli et l'isolement qui sont toujours des poisons mortels pour une nation".
- Résurgence de l'antisémitisme -
"Il y a beaucoup de Français qui doutent, qui doutent de la République qui ne les défendrait pas, qui doutent de l'Europe qui ne les protègerait pas assez, qui doutent du progrès qui ne les concernerait plus", a déploré le président de la République, accompagné de la ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, et du secrétaire d'État chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini.
Plusieurs anciens pensionnaires de la Maison d'Izieu ou enfants "cachés" durant la guerre s'inquiétaient en marge de cette cérémonie de la résurgence de l'antisémitisme en France.
"Dans mon quartier, quand je vois sur les voitures, les boîtes aux lettres +les juifs dehors+ je me sens d'autant plus juive, laïque", a ainsi témoigné Colette Zeif, accueillie pendant l'Occupation par une famille du Limousin.
Quant aux propos réitérés de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz "détail" de l'Histoire, "il faudrait peut-être faire des voyages gratuits, amener des gens à Auschwitz par convois comme tous ceux qui sont partis" pour qu'ils comprennent, s'indignait-elle.
Avant de prendre la parole, M. Hollande avait inauguré l'extension de la maison, devenue trop étroite pour accueillir les quelque 26.000 visiteurs qui viennent s'y recueillir chaque année, parmi lesquels de nombreux groupes scolaires.
Cette visite s'inscrivait dans la suite de ses nombreux déplacements mémoriels depuis un an pour le centenaire de la guerre de 14-18 et du 70e anniversaire de la Libération.
Ce cycle de commémorations devrait s?achever le 27 mai avec l'entrée au Panthéon de quatre grandes figures de la Résistance: Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay.
Auparavant, le 26 avril, à l'occasion de la Journée nationale de la déportation, François Hollande se rendra au camp de Struthof, dans le Bas-Rhin, où furent déportés 160.000 personnes, juifs et résistants.
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