Ganga Kalshetty avait deux ans quand l'Inde a déclaré la lèpre éradiquée en 2005, donnant espoir à sa famille que la fillette serait épargnée par cette maladie mutilante et la stigmatisation sociale qui l'accompagne. Elle vit pourtant aujourd'hui dans une "colonie de lépreux".
Car l'Inde a connu une résurgence inquiétante de la lèpre depuis dix ans et compte plus de la moitié des 200.000 nouveaux cas enregistrés chaque année dans le monde.
A 12 ans, Kalshetty a toujours grandi au milieu de lépreux. Nombre de ses proches sont touchés par la maladie et il y a sept mois, ses pires craintes se sont concrétisées: les médecins la lui ont diagnostiquée à son tour.
"Je ne veux pas souffrir comme elle", dit la jeune fille à l'AFP à New Delhi, en regardant les mains de sa grand-mère recroquevillées comme des griffes, une séquelle de la lèpre.
Cette maladie chronique infectieuse provoque des lésions de peau et touche les liaisons nerveuses, mais si elle est diagnostiquée et traitée tôt, elle cesse d'être contagieuse et peut être soignée en 6 à 12 mois. Faute de traitement en revanche, la lèpre laisse des difformités.
C.M. Agrawal, responsable du programme de lutte du gouvernement indien contre ce fléau, s'inquiète du nombre d'enfants concernés aujourd'hui. "Les déclarations de cas d'enfants suggèrent qu'il y a eu des transmissions récentes et actives", dit-il à l'AFP.
Selon lui, "le fait d'avoir déclaré en 2005 l'éradication de la lèpre a conduit à une absence de vigilance. D'autres maladies ont pris la priorité".
L'Inde a cessé depuis 10 ans le porte-à-porte pour repérer les cas suspects, une décision qui a accentué le risque d'infections, estime Agrawal.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) autorise un Etat à déclarer que la lèpre n'est plus un risque de santé publique s'il y a moins d'un cas pour 10.000 personnes. L'Inde est depuis 2005 sous ce taux de prévalence au niveau national, mais pas dans certaines zones.
En 2013-2014, près de 127.000 nouveaux cas ont été déclarés en Inde, dont environ 12.000 enfants, et New Delhi compte à elle seule 1.145 cas.
- Stigmatisés -
Stigmatisés, des milliers de malades en sont réduits à se regrouper dans des "colonies de la lèpre" réparties dans le pays. Mais la pauvreté, le manque d'équipements sanitaires et la surpopulation y accroissent le risque de transmission.
Shiv Shankar Tiwari vit dans l'une de ces colonies, à Delhi. Cette ancienne malade habite une maison de briques et de terre en mauvais état et le diagnostic de la maladie chez trois de ses six fils l'a anéantie.
Deux d'entre eux souffrent de malformations en raison de l'arrêt du traitement. "Nous ne savions pas l'importance de suivre le traitement", dit cette mère de 55 ans, la voix brisée par l'émotion.
S'ils sont soignés tôt, les malades peuvent guérir. Mais ils sont toujours victimes de ségrégation. Autrefois, les lépreux devaient se promener avec des clochettes pour avertir de leur présence. Aujourd'hui, même s'ils guérissent, ils ne peuvent obtenir de permis de conduire et d'autres documents dans de nombreux Etats d'Inde, trouver un travail est mission quasi-impossible et la mendicité reste souvent leur unique option.
"La stigmatisation associée à la maladie est redoutable", relève P.R. Manglani, de la Netherlands Leprosy Relief Foundation, qui travaille avec les malades à Delhi et prodigue des conseils dans les bidonvilles notamment.
- Eliminer la lèpre d'ici 10 ans -
Alors que le gouvernement ambitionne d'éliminer complètement la lèpre d'ici 10 ans, le principal défi reste la période d'incubation, qui peut durer jusqu'à 20 ans et complique la détection, relève le directeur général des services de santé indiens, Jagdish Prasad.
"Notre stratégie est de reprendre le porte-à-porte, de traiter les patients et donner une dose de médicament à titre préventif aux membres de leur famille", explique-t-il à l'AFP. "C'est ainsi que les pays occidentaux se sont débarrassés de la lèpre."
L'OMS aide le gouvernement à pallier les lacunes de son programme contre la maladie et s'est engagée "très sérieusement" à l'éliminer "au niveau des Etats et des districts", indique son représentant en Inde, Nata Menabde.
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