"Dieu est grand". Grossièrement peints en noir sur un mur à l'entrée de la ville dévastée, les caractères arabes témoignent de la présence récente de Boko Haram à Malam Fatori, dans le nord-est du Nigeria, libérée mardi par les armées tchadienne et nigérienne.
Epiceries saccagées, murs noircis par la fumée, brouettes abandonnées et motos gisant au sol Un silence de mort règne dans les ruelles de cette bourgade désertique aux maisons en torchis bâties sur le sable. Seules quelques têtes de bétail égarées se promènent encore dans Malam Fatori, ville fantôme.
Soudain, un vieillard amaigri dans une longue robe de couleur ocre surgit derrière une maison calcinée. "Quand +les enfants de Shekau+ (chef du groupe islamiste) ont vu les soldats arriver, ils nous ont chassés de nos maisons et ont tout incendié avant de s'enfuir, ils ne voulaient rien laisser", explique-t-il en haoussa.
Quelques centaines de mètres plus loin, les paillotes du marché, jadis centre névralgique de cette ville commerçante située à moins de quatre km du Niger, ont été entièrement pillées.
"Troupeau de femmes nues"
La quasi-totalité des quelque 30.000 habitants ont fui la ville depuis longtemps, lorsque le groupe islamiste s'en est emparé, en novembre 2014. "Moi je n'ai pas pu partir, je suis trop vieux et malade", dit l'homme dans un souffle.
Comme lui, une poignée d'invalides, quelques rares femmes et enfants ont été forcés de cohabiter pendant près de cinq mois avec les insurgés. D'après le vieil homme, "même pour faire ses besoins il fallait leur permission, ils surveillaient toutes nos allées et venues".
Lorsque Tchadiens et Nigériens sont entrés mardi dans Malam Fatori, les islamistes étaient déjà loin, et la coalition a pris la ville sans avoir à tirer un coup de feu.
Des bergers témoins de la fuite de Boko Haram ont vu les combattants partir avec un "troupeau de femmes nues", affirme un soldat nigérien en patrouille dans la ville. "C'est une tactique habituelle: pour empêcher les femmes de s'enfuir, ils les déshabillent totalement. Nous avons retrouvé des tas de vêtements de femmes", dit-il.
Mais le lendemain, alors que la coalition "ratissait" les alentours, ils sont tombés dans une embuscade à une dizaine de km de la ville, explique un jeune soldat de troupe en dessinant un cercle dans le sable: "on était cernés, ils nous tiraient dessus en pagaille!".
Bilan de la journée: neufs Tchadiens, un Nigérien et environ 150 islamistes tués, selon les états-majors des deux armées.
"Mines partout"
Désormais, les hommes de la coalition tchado-nigérienne, craignant que les insurgés aient "posé des mines partout" dans Malam Fatori, campent à quelques centaines de mètres de l'entrée de la ville, où est stationné un impressionnant dispositif - notamment plusieurs chars avec des canons de 105 mm, et de nombreux picks-ups surmontés de mitrailleuses lourdes.
"Ces gens se cachent pour attaquer, tendre des petites embuscades () mais la réaction de nos forces a été à la hauteur, nous les avons neutralisés", affirme le chef d'état-major de l'armée tchadienne, Brahim Seid, venu féliciter ses soldats sur le champ de bataille.
Les soldats ont d'ailleurs récupéré des dizaines de kalachnikovs - certaines portant la mention "NA" pour Nigerian army -, de mitrailleuses de calibre 12.7 et quelques lance-roquettes.
Malam fatori était "le plus grand fief de Boko Haram au nord du Nigeria et qu'il fallait absolument détruire", selon le général Seid.
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