Interdiction de l'emploi de mannequins trop maigres, mention "photographie retouchée" obligatoire en cas d'apparence corporelle modifiée: les députés ont mené la charge vendredi contre la valorisation de l'anorexie et les comportements pouvant y inciter.
L'Assemblée avait déjà voté dans la nuit de mercredi à jeudi la création d'un délit d'incitation à la maigreur excessive, visant notamment les sites internet "pro-ana" (pro-anorexie). Cette infraction sera punissable d'un an de prison et 10.000 euros d'amende.
Entre 30 et 40.000 personnes, des adolescentes dans 90% des cas, souffrent d'anorexie mentale, une des pathologies psychiatriques ayant la plus forte mortalité.
Selon un amendement au projet de loi sur la Santé voté vendredi, l?exercice d?une activité de mannequin sera interdit à toute personne dont l?indice de masse corporelle sera inférieur à des niveaux définis sur proposition de la Haute Autorité de santé.
Toute personne exploitant une agence de mannequins, ou recourant moyennant rémunération à un mannequin, qui ne veillera pas "au respect de l?interdiction" pourra encourir un emprisonnement de six mois et une amende de 75.000 euros.
Cet amendement du rapporteur Olivier Véran (PS) a été adopté avec le soutien de la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui a considéré comme "préoccupante" la présentation de mannequins excessivement maigres.
- Déjà en Espagne, Italie et Israël -
La mesure sera "contraignante" pour tout mannequin, y compris étranger, "désirant travailler sur le sol français", a indiqué M. Véran. L'Espagne, l'Italie et Israël ont pris des mesures similaires.
Le Syndicat national des agences de mannequins (Synam) s'est élevé contre ce vote, regrettant un "amalgame entre anorexie et minceur" et une "stigmatisation" des seules agences, qui doivent satisfaire la demande des créateurs de mode ou magazines.
Un autre amendement socialiste adopté prévoit justement la mention obligatoire "photographie retouchée" sur les photos à usage commercial de mannequins dont l'apparence corporelle a été modifiée par logiciel "afin d'affiner ou d'épaissir" sa silhouette - les mannequins étant parfois trop maigres.
Ne pas respecter cette mesure sera puni d'une amende de 37.500 euros, son montant pouvant être porté à 30% des dépenses consacrées à la publicité.
L'UMP Valérie Boyer, qui portait un amendement similaire, s'est réjouie que "cette idée voie enfin le jour", bien qu'elle ait accusé la gauche de "pillage intellectuel".
La question de l'emploi de mannequins dénutris a fait davantage débat. M. Véran, neurologue de profession, a souligné qu'une charte de bonnes pratiques, signée en 2008 par les acteurs du secteur de la mode, sous l'impulsion de la ministre d'alors Roselyne Bachelot, a eu en pratique "des effets insuffisants".
Il a lu en séance une lettre d'un top model, dont il n'a pas révélé le nom, se disant "choquée" qu'aucune mesure ne soit prise en France alors que les agences félicitent celles qui perdent du poids et recommandent d'utiliser des laxatifs. Ce mannequin pesant "moins de 45 kg pour 1,80 mètre" y racontait aussi avoir vu une collègue succomber sous ses yeux à un arrêt cardiaque à la sortie d'un défilé, s'étant laissée "mourir de faim".
Un amendement quasi identique de M. Véran avait été rejeté en commission au motif qu'il était susceptible d'introduire une discrimination à l'embauche. Le député a assuré que sa nouvelle mouture était "compatible" avec le droit.
Mme Boyer a défendu en vain un amendement visant plutôt à faire appliquer par les agences de mannequins l'obligation de sécurité prévue par le code du Travail, afin de ne pas entraîner de discrimination envers les personnes anorexiques qui sont "malades".
Le chef de file des députés UDI, Philippe Vigier, a approuvé la lutte contre l'anorexie mais s'est dit "persuadé" que le dispositif sur les agences ne marcherait pas, et s'est interrogé sur la possible interdiction de l'accès à d'autres métiers en fonction de l'apparence des personnes.
Pour sa part, l'écologiste Jean-Louis Roumégas a critiqué une "hypertrophie législative" pour "résoudre des problèmes très particuliers", alors qu'il suffirait peut-être, selon lui, de renforcer les moyens de l'inspection du travail.
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