"Rupture de stock, cherchez-le dans un autre kiosque": le hors série spécial Coran publié par un mensuel culturel plusieurs semaines après les attentats au nom de l'islam qui ont ensanglanté la France, est devenu pratiquement introuvable à Paris.
Comme ce magazine, daté mars-avril, dont les ventes ont bondi de 40%, les ventes de livres consacrés à la religion musulmane ont progressé en France, selon libraires et éditeurs, après le choc des tueries perpétrées à Paris par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly les 7 et 9 janvier, et l'horreur des exactions commises par le groupe Etat Islamique en Syrie et Irak.
"Les Français se posent de plus en plus de questions et se satisfont de moins en moins de réponses superficielles venues des médias" dit à l'AFP Fabrice Gerschel, directeur de la publication de la revue Philosophie magazine qui a publié le hors-série Coran.
Le dénominateur commun de tous les clients qui achètent des ouvrages sur l'islam, "c'est comprendre et se documenter" pour "se forger sa propre opinion", ajoute Mathilde Mahieux, de la librairie religieuse La Procure, à Paris.
Au premier trimestre, les ventes du rayon islam ont presque triplé par rapport aux trois premiers mois de 2014, selon Mathieu de Montchalin, président du syndicat national des libraires, qui base son analyse sur un réseau de 30 grandes librairies indépendantes en France.
Une envolée significative, même si en volume elle reste modeste, les ouvrages religieux représentant moins de 1% des ventes totales des libraires.
- Le Coran est-il violent? -
Pour certains non musulmans, il s'agit de répondre aux questions nées des attentats: "J'ai reçu une cliente très catholique venue acheter un Coran, car elle voulait comprendre par elle-même si c'était ou non une religion violente", explique à l'AFP Yvon Gilabert, directeur de la librairie religieuse Siloe à Nantes.
Pour d'autres, il s'agit d'essayer d'éviter une confrontation. "Je viens d'acheter +le prêtre et l'imam+, je trouve que c'est très important, surtout en cette période" explique Patrice Besnard, client régulier d'une librairie religieuse à Paris: "Je crois qu'il faut savoir dépasser le côté strictement intégriste pour voir un petit peu ce que peuvent apporter les religions".
Ce besoin de comprendre se traduit par un intérêt académique renouvelé.
Une chaire consacrée à l'étude du Coran, contenant le message transmis par Dieu à son prophète Mahomet, a été inaugurée jeudi au Collège de France.
Jean Rony, enseignant à la Sorbonne, s'est mis à lire le Coran cette année: "Vu la situation, j'ai ajouté des sessions consacrées aux religions monothéistes dans mes cours de culture générale destinés aux étudiants de droit qui préparent le concours d'entrée à l'Ecole Nationale de la Magistrature" dit-il.
Même analyse chez M. Mansour Mansour, directeur des éditions Albouraq basées à Ozoir-la-Ferrière dans l'Oise, qui publie des livres religieux musulmans en français.
"Nos ventes de corans ont augmenté de 30% au premier trimestre () Il s'était passé la même chose après les attentats du 11 septembre 2001" se souvient-il.
Cette fois-ci, le phénomène lui semble plus durable, "parce que l'islam va continuer de poser problème au plan géopolitique" en raison de l'actualité en Irak et en Syrie notamment.
- Plus d'analyse critique du texte -
Ce week-end, le Coran fait l'objet d'un concours de mémorisation, au salon de l'UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) qui a lieu jusqu'au 6 avril au Bourget.
Mais la lecture de ce texte poétique et polysémique, écrit entre 610 et 656, est difficile pour un non initié et doit absolument être "accompagnée", avertit M. Mansour: "Je conseille de ne jamais le lire en premier, j'oriente plutôt d'abord vers une biographie du prophète".
Pour le Coran, "il faut absolument une grille de lecture" pour éviter les interprétations hasardeuses de versets sortis de leur contexte, ajoute-t-il, en colère, comme beaucoup de musulmans, contre les terroristes qui ont "instrumentalisé" leur livre sacré.
Alors que la France assiste, sidérée, au départ de centaines de jeunes radicalisés vers la Syrie pour "faire le jihad", M. Mansour admet que sa maison d'édition a procédé à un nettoyage de son catalogue de publications, en "retirant" des ouvrages dont les interprétations étaient "trop littérales".
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